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Arben Abramovitch Dav'Tian

A. Manoukian.jpgARBEN ABRAMOVITCH DAV’TIAN

Arben dit André

alias Armenek Manoukian Tavitian

(1895-1944).
Nationalité Russe

(Né à Choucha, Russie en 1895 ou 1898, exécuté au Mont-Valérien, Suresnes 1944)

Arben Abramovitch Dav’tian (transcrit généralement Tavitian) est originaire de Transcaucasie. Il commence à travailler à l’âge de 14 ans. Serrurier, imprimeur, puis mécanicien, il rejoint en 1917 le parti bolchévique et s’engage l’année suivante dans l’Armée Rouge. D’abord soldat, il devient officier, responsable politique dans son unité. Il combat durant toute la guerre civile dans le Caucase.
Il entreprend à partir de 1923 des études à l’Université communiste de Transcaucasie dont il est exclu en 1925 pour trotskysme. En 1927, Arben Tavitian est exclu du Parti puis emprisonné en septembre1928. Il reste sous le contrôle du GPU à Erevan puis à Tiflis et enfin à Akmolinsk où il retrouve des militants de l’"Opposition de gauche". En 1931, il est à nouveau arrêté : incarcéré à la prison de Petropavlosk, il est condamné à trois ans de prison. Transféré à Verkhnéouralsk, il participe à une grève de la faim mais finit par plier et renier le trotskysme. Sa peine purgée, il est exilé à Andijan en Asie centrale : là, il parvient à s’enfuir d’Union Soviétique et à gagner la Perse en 1934.

Arben Tavitian reprend alors contact avec Léon Trotsky qui organise sa venue en France. Il débarque à Marseille en mai 1937 et témoigne dès son arrivée à Paris devant la commission d’enquête sur les procès de Moscou. Après avoir participé un temps aux activités du groupe russe réuni autour du fils de Trotsky, Léon Sedov, il s’en éloigne au bout de quelques mois ne supportant pas l’atmosphère de querelle qui y règne.

Il trouve du travail comme ouvrier et se rapproche des milieux de l’émigration arménienne. Arben Tavitian entre en juillet 1943 au premier détachement des Francs-Tireurs et Partisans de la Main-d’œuvre immigrée (FTP-MOI) de Paris.

Arben Tavitian est arrêté en novembre 1943 par la Brigade Spéciale de la police parisienne qui le remet aux Allemands. Condamné à mort par la cour martiale du tribunal allemand auprès du commandant du Grand Paris en février 1944, il est fusillé le 21 février au Mont-Valérien avec 21 combattants FTP-MOI.

Sources bibliographiques
L’ancien « trotskyste » du groupe Manouchian, Cahiers Léon Trotsky, septembre 1985,
— Abraham Lisnner, Un franc-tireur juif raconte ..., Paris, L’Auteur, 1977,
— Philippe Robrieux, L' Affaire Manouchian, vie et mort d'un héros communiste, Paris, Fayard, 1986.

Grégoire GEORGES-PICOT

Nous sommes à la recherche de documents concernant Arben Abramovitch Dav'Tian, toute personne susceptible de nous aider sera la bienvenue. S'il existe des témoignages ou une trace familiale de ce résistant, nous serions heureux de pouvoir, en étroite collaboration  avec elles ou eux, apporter des précisions sur le parcours de ce trotskyste du groupe dit "Manouchian".

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samedi, 04 avril 2009 | Lien permanent | Commentaires (4)

Insurrection du ghetto de Varsovie, par Jean-Michel Krivine

INSURRECTION DU GHETTO DE VARSOVIE
AVRIL 1943

Jean-Michel Krivine

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Le souvenir de la révolte du ghetto de Varsovie en avril 1943 ne doit pas s’estomper. Rappelons d’abord (pour la jeune génération…) ce qu’était un ghetto.

Le terme est d’origine italienne probable et désigne le quartier où les juifs étaient obligés de vivre. Son institution est médiévale et a survécu, en Europe, jusqu’à la Révolution française. L’émancipation des juifs a été proposée par l’abbé Grégoire et votée en 1791 par l’Assemblée nationale. L’occupation d’une partie de la Pologne par l’Allemagne nazie, aussitôt après la signature du pacte germano-soviétique, entraîne en 1939 la reconstitution du ghetto.

Alors que la plupart des 450 000 juifs de Varsovie avaient déjà été déportés et gazés dans les camps d’extermination de Treblinka et Maïdanek, une poignée de quelques centaines de combattants sont parvenus à défier l’occupant nazi et à l’affronter pendant sept semaines. Il lui faudra des tanks et de l’artillerie pour en venir à bout. Les combattants juifs n’avaient aucun espoir de gagner, leur seul objectif était de « témoigner », de clamer au monde que la population juive de Varsovie ne se laisserait pas passivement mener à l’abattoir et d’inciter d’autres opprimés à agir de même, ce qui eut lieu dans d’autres ghettos polonais.

Très rapidement, après l’occupation, des mesures avaient été prises contre la population juive qui comptait alors plus de 3 millions d’habitants en Pologne : confiscation de biens, interdiction de travailler dans les institutions publiques et les organismes de l’État, interdiction de voyager, rémunérations limitées, interdiction pour les médecins de soigner des non-juifs, port de l’étoile jaune à partir de 12 ans, etc.

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En novembre 1939, les nazis recréent le ghetto de Varsovie où doit se rendre toute la population juive de la ville avec interdiction d’en sortir. Une ceinture de 18 km de mur et de barbelés l’entoure. L’isolement est total. La misère devient telle, que des gens meurent de faim en pleine rue ; sans parler des épidémies de typhus. Un Conseil juif de 24 membres (Judenrat), aux ordres de l’occupant, gouverne le ghetto et dispose d’une police juive en uniforme. Malgré la brutalité de la répression, la majorité de la population essaie de survivre et au début, ne croit pas aux informations alarmistes qui surviennent de temps à autre. Dès février 1941 pourtant, quelques rescapés avaient raconté comment les nazis avaient gazé des juifs à Chelmno après en avoir gazé 40 000 à Lodz. Seules les organisations ouvrières y accordent du crédit et commencent un travail de propagande et d’organisation. Elles comprennent essentiellement le Bund, créé en 1897, (majoritaire, socialiste et non sioniste), l’Hashomer Hatzaïr (socialiste et sioniste), les syndicats et des organisations de jeunesse. Quant au Parti communiste polonais qui avait été liquidé par Staline en 1938, il commence lentement à se reconstituer et réapparaîtra en janvier 1942 sous un autre nom : Parti Ouvrier Polonais (PPR).

À partir de la mi-1942, suite aux nombreuses exécutions de résistants et aux fusillades nocturnes, la population commence à comprendre que son avenir est des plus incertain.

C’est le 20 juillet 1942 que le Judenrat sera mis en demeure (et acceptera) de signer un Appel avertissant la population juive que, sauf exceptions, elle devra quitter la ville. Bien entendu la destination n’est pas précisée. C’est la première vague de déportation : les rafles commencent aussitôt et au deuxième jour le président du Judenrat, l’ingénieur Adam Czerniakow, se suicide. Lui savait parfaitement ce que signifiait le prétendu « départ à l’Est » et ne pouvait amoindrir sa responsabilité qu’en disparaissant. C’est alors que les rafles se succèdent, opérées par les gendarmes, les Ukrainiens et la police juive, au rythme de plusieurs milliers par jour (de 1 600 à 13 000 selon les auteurs…). Les partants sont rassemblés sur l’Umschlagplatz (devant la gare) et pendant un moment on leur distribuera 3 kg de pain et 1 kg de confiture, de telle sorte qu’il y aura des milliers de volontaires affamés, persuadés qu’on ne leur donnerait pas ça si on voulait les massacrer. Pourtant la vérité commençait à se savoir : un envoyé avait été expédié du côté « aryen » et avait contacté un cheminot. Avec lui il se rend sur la ligne ferroviaire qu’empruntent les convois de déportés se rendant à Treblinka. Les cheminots de l’endroit leur apprennent que « tous les jours un train de marchandises, rempli de gens en provenance de Varsovie, emprunte cet embranchement et revient vide. Aucun convoi alimentaire ne passe par là et la gare de Treblinka est interdite à la population civile. Preuves tangibles que les gens qui y sont conduits sont exécutés ». Au mois de septembre 1942, il reste moins de 60 000 habitants dans le ghetto et en juillet les organisations résistantes se réunissent (sauf les sionistes de droite) et créent l’Organisation Juive de Combat (OJC) avec un commandant de la Hachomer, Mordechaï Anielewicz, et un adjoint du Bund, Marek Edelman. L’OJC ne comprend que quelques centaines de combattants (de 500 à 2 000 selon les auteurs). Elle a très peu d’armes : quelques dizaines de revolvers en mauvais état, des grenades et des cocktails Molotov fabriqués sur place, quelques fusils et un seul pistolet-mitrailleur. Des groupes de combat sont formés qui pratiquent des attentats, attaquent les SS et libèrent des prisonniers. L’OJC règne dans le ghetto qu’elle couvre d’affiches, avec le soutien de la population restante. C’est alors que les nazis décident d’en finir et va commencer la deuxième vague de déportations.

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Le 19 avril 1943, à 4 heures du matin, 2 000 à 3 000 Waffen SS, auxiliaires ukrainiens, lettons et policiers polonais commencent à pénétrer dans la place. Ils seront rejoints par des troupes motorisées, des blindés et de l’artillerie. À leur grande surprise, ils seront accueillis par un déluge de feu venant des quatre coins des rues. Il y aura d’assez nombreux morts et deux chars seront incendiés. Après quelques heures de combat acharné, les assaillants s’enfuient et à 14 heures il n’en reste plus un. Ils referont une tentative le lendemain mais sans plus de succès. Ce n’est qu’au troisième essai qu’ils parviendront jusqu’au ghetto central qui sera incendié et littéralement rasé. La moitié des combattants juifs périra pendant les combats. De nombreux survivants décideront de se suicider collectivement et parmi eux Mordechaï Anielewicz qui était à la tête de l’OJC, après avoir tué son amie, répétant ainsi le geste des Hébreux, en lutte conte les Romains, à Massada, au premier siècle après J-C. Quelques combattants parviendront à s’enfuir par les égouts, rejoindront la Résistance polonaise et participeront à l’autre insurrection de Varsovie en août 1944. Parmi eux, Marek Edelman qui a rapporté ultérieurement de façon émouvante et vivante l’histoire de l’insurrection du ghetto.

En conclusion, nombre d’auteurs font remarquer que cet événement unique jusque-là dans l’Europe occupée a été pratiquement passé sous silence par les futurs vainqueurs occidentaux. La radio et la presse anglo-saxonnes en parlèrent très peu, après quelques jours de tractation entre le Foreign Office et le gouvernement polonais en exil à Londres. Les Britanniques voulaient « vérifier l’exactitude des faits » et souhaitaient ménager leur allié polonais pas particulièrement philosémite.
Il fut également ignoré par la majorité des Polonais dont l’antisémitisme traditionnel leur permit de supporter gaillardement l’assassinat de 3 millions de juifs de chez eux. Il ne s’agissait pas de Polonais « collabos » car ceux qui auraient pu les aider, les résistants de l’Armia Krajowa (Armée de l’intérieur), dépendant du gouvernement en exil à Londres, disposaient de dizaines de milliers de fusils, de grenades, et de milliers de pistolets dont ils eurent la générosité d’en offrir 9 aux combattants du ghetto…

Quant aux Soviétiques, ils étaient encore à mille kilomètres de Varsovie, mais un an plus tard, en août 1944, alors qu’ils s’y trouvaient à deux pas, au bord de la Vistule, et que les résistants avaient déclenché l’insurrection, ils ne bougèrent pas et laissèrent les nazis l’écraser au bout de 63 jours. Les communistes français ont alors raconté que l’insurrection avait été déclenchée sans contact avec l’Armée rouge, qu’il s’agissait d’une décision criminelle des dirigeants polonais de Londres, que les nazis y avaient poussé et que les Russes, heureusement, ne sont pas tombés dans le piège.
On imagine ainsi ce qui se serait passé si les Soviétiques avaient atteint Varsovie un an auparavant… En ce qui concerne l’insurrection du ghetto et la discrétion des futurs libérateurs, un autre suicide eut lieu mais à Londres : le 17 décembre 1943, pour protester contre l’indifférence des puissances occidentales au massacre des juifs polonais, Artur Zygelboïm mettait fin à ses jours. Il représentait le Bund auprès du gouvernement polonais en exil.

Bibliographie

Nous mentionnerons les livres et brochures utilisés pour écrire cet article dont certains ne sont trouvables que chez de vieux militants :

– Marek Edelman, Mémoires du Ghetto de Varsovie, Paris, Éd. du Scribe, 1983.
– Bernard Goldstein, L’ultime combat – Nos années au ghetto de Varsovie, Paris, Zones, 2008.
– Enzo Traverso, Pour une critique de la barbarie moderne, Lausanne, Cahiers libres, Éditions Page deux, 1996.
– Alain Brossat et Sylvia Klinberg, Le Yiddishland révolutionnaire, Balland, Paris 1983.
– Anne Grynberg, La Shoah – L’impossible oubli, Paris, Découvertes Gallimard, 1995.
– Joe J. Heydecker, Un soldat allemand dans le ghetto de Varsovie 1941, Paris, Denoël, 1986.
– Joseph Goebbels, Journal 1943-1945, Paris, Tallandier, 2005.
La voix du peuple massacré, récit détaillé de l’insurrection du ghetto de Varsovie en avril 1943, complété de documents, notices biographiques des principaux héros et de messages, Édité par Le Réveil des Jeunes, organe de la Jeunesse Socialiste Juive « Bund » en France, Avril 1945.
– Jean Radvanski, La vérité sur Varsovie, Éd. France d’abord, juin 1946 (La vision du PCF sur le soulèvement de Varsovie de 1944).
– Zygmunt Zaremba, La Commune de Varsovie, trahie par Staline, massacrée par Hitler, Cahiers Spartacus, avril 1947 (Point de vue d’un dirigeant du Parti socialiste polonais sur l’insurrection de Varsovie de 1944).

Inprecor n° 547-548, mars-avril 2009

http://orta.dynalias.org:inprecor%3Fid=616.webloc

Revue d’informations et d’analyse publiée sous la responsabilité du Bureau exécutif de la IVe Internationale

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mardi, 07 avril 2009 | Lien permanent | Commentaires (1)

Joseph Epstein, bon pour la légende, sur Arte

ARTE diffuse, mercredi 21 octobre 2009 à 22 heures,

le documentaire réalisé par Pascal Convert

Joseph Epstein,

bon pour la légende

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ARTE F © Droits Réservés

Portrait d'un résistant juif polonais oublié, fusillé sous un faux nom. Une réhabilitation sensible et précise avec le témoignage de ses compagnons de route, dont Lucie Aubrac.

Fin stratège de la guérilla urbaine, Joseph Epstein est une légende de la Résistance. Engagé en Espagne avec les républicains en 1936, volontaire avec la Légion étrangère de l'armée française en 1939, résistant et chef de réseau, il ne parla pas sous la torture et mourut fusillé sous un nom d'emprunt le 11 avril 1944. Pourtant, la France s'est efforcée de l'oublier au lendemain de la Libération, préférant ses héros nationaux... Sous la forme d'une lettre adressée au fils de Joseph Epstein, Pascal Convert reprend le fil de la vie de ce héros méconnu, de sa naissance en Pologne à ses actions dans la Résistance. Une enquête précise et impliquée où se laisse découvrir un homme extraordinaire, aussi bon vivant qu'engagé, et où l'on croise quelques-uns de ses compagnons de route : Lucie Aubrac, Joseph Minc, Maurice Kriegel-Valrimont, Esther Gorintin...

Rediffusion : Mercredi 28 octobre 2009, à 5 heures.

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mercredi, 14 octobre 2009 | Lien permanent | Commentaires (1)

L'Armée du crime, Robert Guediguian

Bande-annonce L'Armée du crime
envoyé par toutlecine.

L’intérêt de l’histoire,

c’est d’éclairer le présent

Entretien avec Robert Guediguian

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Missak Manouchian, interprété par Simon Abkarian (DR)

L’Armée du crime retrace le parcours des FTP-MOI, groupe de résistants lors de la Seconde Guerre mondiale dirigé par Missak Manouchian. Guédiguian nous livre un film où les personnages résistants sont obligés de faire face à certaines contradictions : comment résoudre les conflits qui se jouent entre les notions d’éthique, de morale et d’engagement lorsqu’il s’agit de résister à la barbarie nazie et à la collaboration française ?

Le film revisite une période importante du mouvement ouvrier tout en interrogeant notre présent à travers des questions toujours actuelles comme l’importance de l’internationalisme, les diverses formes que peuvent prendre la résistance et les liens entre l’intime et le politique.

TEAN : Le cinéma s’intéresse à la Seconde Guerre mondiale en ce moment. Pourtant, si nous prenons des films comme Inglorious Bastard et le vôtre, les partis pris sont très différents. Pouvez-vous nous expliquer quel était le vôtre ?

R.G. : Il me semble que la gauche a perdu pas mal de choses : elle a perdu ses buts, beaucoup de ses théories, de ses pratiques. Toute la gauche. Mais elle a aussi perdu quelque chose qui compte au moins autant : elle a perdu sa légende, sa chanson je pourrais presque dire. Dans la légende on peut considérer qu’un des grands moments de l’histoire, c’est l’histoire du groupe Manouchian. C’est un des très grands moments de l’histoire du mouvement ouvrier et elle est maintenant dans l’histoire avec un grand H. Aujourd’hui, c’est une histoire universelle, mais il faut toujours se rappeler qu’elle a été écrite par le mouvement ouvrier. Là, je ne fais pas de distinction. Quand je parle du mouvement ouvrier, je parle aussi de la gauche. Je crois qu’en ce moment, si l’on veut faire exister à nouveau une gauche radicale, on a intérêt à travailler la théorie bien sûr, nos pratiques, mais aussi nos légendes.

Je dis ça parce que j’ai grandi avec cette histoire, ces personnages-là, les vingt trois et les autres. Je les ai connus très tôt, je les ai admirés, j’ai rêvé de leur ressembler. J’ai envie de dire que j’essaie toujours de leur ressembler mais dans des circonstances extrêmement différentes. Aujourd’hui, ça signifie avoir quoiqu’il arrive, dans n’importe quelles circonstances, un certain nombre de principes auxquels je ne dérogerai jamais. C’est vrai que leur engagement, à ce moment-là, prend une tournure autant morale que politique (c’est encore un autre débat mais je ne conçois pas la morale sans politique et la politique sans morale). Quand je dis morale, c’est une morale qui va par-dessus tout et évidement jusqu’à la désobéissance et que par principe moral on peut désobéir à son parti, à l’État, etc. D’ailleurs, ce qui est beau, c’est qu’ils ont tous fait des gestes individuels d’abord et ensuite tous ensemble ils ont constitué un groupe. Ils ont tous fait des gestes personnels comme s’il n’y avait pas de frontière entre la vie privée et la vie publique, entre la vie intime et la vie politique. Donc leur exemple, de la même manière qu’il m’a aidé à me construire, je pense qu’il peut aider des gens à se construire aujourd’hui. Et si des gens voient ce film ils peuvent en sortir avec le sentiment qu’il y a des choses contre lesquelles il faudrait agir, qu’il y aura toujours des choses à refuser. En fait résister c’est vivre.

Par rapport à Tarantino et son film, je pense que la question qui se pose est : peut-on jouer avec tout ? Car au fond, Tarantino ne fait que s’amuser. Je ne sais pas ce qu’il pense des Noirs, je ne sais pas ce qu’il pense de la Seconde Guerre mondiale, je ne sais pas ce qu’il pense de la bande dessinée ! Je ne sais pas ce qu’il pense en général ! Je sais que c’est un joueur extrêmement habille, extrêmement financé aujourd’hui et qui fait un travail qui a le succès qu’il a. C’est du très haut niveau, mais il joue, on ne sait pas ce qu’il pense.

TEAN : Vous avez pris certaines libertés avec les faits. Comment et à quelles conditions peut-on le faire ?

R.G. : J’ai pris une certaine liberté mais en prenant un soin maniaque à ce qu’il n’y ait aucun contresens ni aucune contrevérité. Par exemple, la rouquine, la copine de Marcel Rajman, elle faisait aussi un petit peu de marché noir à ce moment-là, et elle s’était fait arrêté pour ça. Ça, je ne le dis pas. Pour autant c’est vrai que ses parents ont été déportés dans la rafle et que l’inspecteur Pujol lui a fait miroiter des nouvelles de ses parents contre des informations sur le groupe Manouchian. En enlevant le fait qu’elle avait fait des trucs un peu frauduleux pour le marché noir, je la rends un peu plus sympathique. Ce sont des petites choses comme ça. Une autre chose : Krazuki a été arrêté sept ou huit mois avant la première vague d’arrestation. Pour la fluidité du film il est évident que je n’allais pas faire trois actes d’arrestation. J’ai donc fait à la fin l’arrestation de tout le monde.

TEAN : Votre film résonne avec le temps présent, avec ce qui pourrait être une pratique militante aujourd’hui. Définiriez-vous votre film comme un film militant ou un film engagé ? Votre film est-il fait dans l’intérêt d’une forme d’engagement ?

R.G. : Oui. Tout film qui traite d’un sujet historique ou même de l’histoire en général, doit montrer que l’intérêt de l’histoire est d’éclairer le présent. Si l’histoire nous passionne c’est éventuellement pour en tirer quelques enseignements pour aujourd’hui : faire un film historique, c’est pour parler d’aujourd’hui. Je voulais faire l’armée de la lumière, je voulais travailler la foi qu’avaient ces gens là. Ce qui de l’intérieur les animait, les illuminait, je préférais travailler cela plutôt que le détail, le factuel, l’historique, la reconstitution. Au fond cela m’importe peu. Je dirai que j’ai fait ce film presque uniquement pour parler d’aujourd’hui. La reconstitution, il faut bien s’en occuper : il faut chercher des camions, des voitures d’époque, des décors, dépenser beaucoup d’argent pour cela… Il faut bien le faire mais il ne faut pas s’en préoccuper. Je crois que c’est vrai de tous les films historiques. Si demain je fais un film qui se situe au Moyen-âge ce sera pour parler d’aujourd’hui.

Pour qualifier mon film, je préfère engagé que militant. Militant ça veut dire engagé au service de quelque chose de très précis. C’est par exemple si je faisais un film pour la prochaine campagne d’Olivier aux régionales du NPA.

Pour mon film, je préfère dire engagé. Pour moi, le cinéma est toujours engagé. On appelle le cinéma engagé ceux qui disent qu’ils sont engagés, alors que l’autre cinéma est tout aussi engagé sans le dire.

TEAN : Au sens idéologique du terme ?

R.G. : Bien sur. A partir du moment où tu mets une camera dans la rue et que tu montres des hommes et des femmes soit dessous, dessus, sur les cotés, leurs bagnoles, leurs fringues, c’est avoir un point de vue sur eux. Ou tu dis que tu n’as pas de point de vue mais ça veut dire que tu acceptes le monde tel qu’il est ou tu dis « j’ai ce point de vue là et c’est ce point de vue là que je voulais proposer au public ». Je dis bien « proposer » d’ailleurs, je discute. Donc, le cinéma est toujours engagé. Mais celui qu’on appelle engagé c’est celui qui se dit lui-même engagé. Et moi je me dis moi-même engagé.

TEAN : Alors pourquoi ce film-là dans la période actuelle ?

R.G. : C’est une réflexion sur la question de la morale et de l’engagement. Je pense que ce film nous dit qu’il n’y a pas de réussite individuelle mais seulement des réussites collectives. On ne peut être heureux si l’ensemble de la planète ne l’est pas. Après, pourquoi j’ai fait ce film aujourd’hui, c’est une autre question. Les films viennent comme ça. Pourquoi un sujet passe devant tous les autres, devient urgent à tel point qu’on se met à penser qu’à ça ?

TEAN : Ce film paraissait plutôt « évident » pour vous…

R.G. : C’est peut-être pour ça que je n’y pensais pas. C’est aussi un film lourd dans sa mise en place, dans son financement, dans le respect qu’il fallait avoir vis-à-vis d’une histoire vraie. Il y a vingt ans je n’aurai pas osé le faire.

À chaque fois qu’on se dit qu’on va travailler sur un sujet il sort au niveau mondial dix films sur le même sujet. On est les produits de notre époque. En ce moment, il sort deux livres et une bande dessinée sur le groupe et sur Missak. Et il y a les films sur l’apocalypse à la télé, le film de Tarantino… On s’imagine qu’on est le seul à travailler sur une affaire et non ! Ça veut dire que c’est peut-être nécessaire pour notre époque de parler de ça. Je sais pas si c’est inconscient, mais je vis ici et maintenant, donc forcement, ce que je fais a à voir avec ce qui ce passe en ce moment. Je crois que c’est aussi comme ça que les sujets arrivent .

TEAN : À propos de votre film, vous citez beaucoup la notion d’« hypothèse communiste » d’Alain Badiou.

R.G. : Oui ! Je me réjouis du succès de Badiou. Je le connais depuis longtemps, j’ai suivi de très près tous ses débats avec Althusser, Rancière, Balibar dans les années soixante-dix… Qu’ils aient du succès aujourd’hui, c’est quelque chose dont je me réjouis. Mais c’est aussi évident que ce sera long, pour plein de raisons. Aujourd’hui encore, toutes les télévisions du monde continuent de dire que la Corée du Nord est un pays communiste. Le communisme c’est la Corée du Nord !? Avant que le mot communisme recouvre une pureté originelle, il y en a pour un moment. C’est ce que dit Badiou.

TEAN : On peut faire le rapprochement entre l’armée du crime et Land and freedom de Ken Loach. Bien entendu parce qu’on se situe cinq-six ans après la guerre d’Espagne et qu’elle est présente dans tous les esprits. Il y a notamment deux aspects qui nous ont davantage marqués. Le premier est à propos de l’internationalisme des luttes. Ce sont deux moments de l’histoire du mouvement ouvrier où les luttes sont internationales. Quel sens ça a aujourd’hui de mettre cela en avant ?

R.G. : Je crois que c’est très important parce que comme les combats de classes ont un peu perdu leurs objectifs, on assiste à des replis identitaires. Ce sont des oppositions que je trouve ridicules et qui me peinent, car on aurait intérêt à redésigner ensemble notre ennemi commun. Les FTP-MOI sont une leçon d’internationalisme. Il n’y a rien qui me réjouisse plus que ces choses là. Je suis, comme je le dis avec humour, d’un peuple génocidé d’un coté et génocidaire de l’autre1. Disons que ça fait beaucoup ! J’adore quand un israélien boit un coup avec un palestinien. Et ce groupe-là, c’est la planète entière... Le film tire à boulet rouge sur la police française (qui le mérite bien) mais dans l’affiche, il faut rappeler qu’il y a aussi des français. Des brigades internationales, c’est magnifique.

TEAN : Le deuxième parallèle avec Land and freedom, c’est la scène du faux mariage arménien. Elle nous rappelle cette scène dans Land of freedom où ils discutent de continuer à accepter ou non les armes venant d’URSS. Est-ce qu’on continue d’accepter les ordres venant de Moscou ? Mais accepter les ordres, c’est avoir des armes et de l’argent... Etait-ce important de faire cette critique du stalinisme ?

R.G. : Je crois oui ! Je voulais être du coté de la lumière des personnages. Je ne voulais pas entrer forcément dans les polémiques. D’abord, on ne sait pas tout ce qui a pu se passer entre les communistes, les trotskistes, les marxistes, les staliniens, les italiens et les bulgares... Ce n’était pas le sujet central du film. Néanmoins, je devais bien citer des choses. Citer Petra par exemple, le dirigeant qui donne tous leurs noms à la fin. Bon, en réalité il s’appelait Davidovitch. J’ai changé les noms des méchants et j’ai gardé le nom des bons… Je tenais à en parler, parler des divergences qu’il y a eu, des querelles.

TEAN : Votre film questionne les différentes formes que peut prendre l’engagement militant. Vos personnages montrent l’affrontement permanent qu’il existe entre  les notions d’éthique, de morale, de légalité et de violence. Loin d’être sacralisée, l’utilité de la violence, celle qui tue, est en permanence discutée. Mais qu’est ce que l’éthique ou encore la neutralité dans une telle période ? Quelle est l’actualité de ces questions-là ?

R.G. : Ces questions, je crois qu’elles se posent tous les jours. La question de la violence populaire dans l’histoire en générale, n’a jamais été qu’une violence de légitime défense. Je n’ai pas d’exemple où des populations sont entrées en lutte armée alors qu’il ne se passait rien. En soit, j’ai toujours été de manière extrêmement claire et ferme opposé à la violence. Je suis opposé à la lutte armée dans des circonstances certes, perverses, piégées, avec tous les défauts qu’elles ont de démocraties occidentales : Je suis très opposé aux brigades rouges, très opposé à la Bande à Baader. Lorsque les Basques étaient antifranquistes, j’étais d’accord avec eux, maintenant ce n’est plus le cas… Donc pour moi la violence doit être utilisée seulement en cas de légitime défense. Après il faudrait voir ce qu’on appelle légitime défense.

J’ai été tellement marqué par la Résistance française en général et cette affaire-là en particulier que je trouve que certaines formes de violences armées sont presque des insultes à ce qu’ils ont fait eux. Quand j’entends un corse qui se met dans la situation du peuple palestinien, c’est un truc qui m’énerve ! C’est un mensonge ! Mais je suis allé en Palestine il n’y a pas longtemps et je dois dire que je suis d’accord avec les attentats ciblés mais pas avec les meurtres de civils. Je les comprends mais je ne les justifie pas. Là-dessus, j’insiste lourdement sur le comportement des résistants du film, bien sur qu’il y a eu des victimes innocentes, mais je pense que c’est la résistance la plus juste qu’il y ai eu. Je le montre : la vielle dame qui est écartée ou lorsqu’ils refusent de balancer une grenade dans un hôtel plein de jeunes prostituées. Ce sont des histoires vraies ! Ils sont repartis au péril de leur vie pour ne pas tuer ces filles-là.

Après, quand je parle de violence, je parle de violence avec mort d’homme, avec une lutte armée. Parce que si la violence c’est de poser des bombonnes de gaz et de menacer de faire tout sauter… Je suis d’accord ! C’est complètement illégal, mais je soutiens totalement ça ! Quand on en est à un tel niveau, qu’il y a autant de morts en France, je comprendrai aisément que demain après une réunion syndicale, ils s’énervent et balancent trois chaises et huit ordinateurs par la fenêtre ! Qu’est ce que j’en ai à foutre ? Les gens qui parlent de violence parce que l’autre se prend un œuf sur la tête, c’est une blague !

TEAN : Que l’on soit militant ou non, en voyant votre film, on se projette forcément. On se dit qu’il est possible de se trouver dans une telle situation, où l’engagement signifie faire des choix très importants…

R.G. : Je n’ai jamais pensé que notre Occident à nous était garanti ad vitam aeternam de ne plus vivre ces guerres-là. Je ne suis pas persuadé que demain, par exemple, il n’y ait pas une nouvelle guerre franco-allemande. C’est évident que ça ne se profile pas mais, je ne sais pas si dans cinq siècles ça n’arrivera pas... En tout cas, il faut une vigilance permanente. C’est pour ça que je dis que résister c’est vivre.

Propos recueillis par

Giulia Acqua et Marie Sonnette

Samedi 26 septembre 2009

TOUT EST À NOUS !

Hebdomadaire du Nouveau Parti Anticapitaliste

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mercredi, 30 septembre 2009 | Lien permanent | Commentaires (1)

Texte de la chanson ”La Petite juive”

A la demande de Anne Guillaumie,

nous publions le texte

La Petite juive de Maurice Fanon

LA PETITE JUIVE

Dans ce monde borné de quel entre deux guerres
Où ceux qui font les lois les troussaient par derrière
Nous n'avions que cinq ans du pains sec au dessert
Pour cinq lettres de trop ou un pet de travers
On nous disait tu vois c'est la croix que Grand-Père
A gagné au Chemin des Dames et nos grands frères
Abandonnant le bleu pour un kaki douteux
Cocufiaient Madelon dans les bras de Marlène
Une fois l'an nous allions voir entre père et mère
La victoire en chantant nous ouvrir la barrière
Et nous nous en allions en suçant des bonbons
Jouer du revolver à deux sous le bouchon.

Et je me souviens, la petite juive
Elle me disait viens
Elle était jolie
On faisait des bêtises
Où on ne faisait rien
Elle s'appelait Lise
Et je m'en souviens

Dans ce monde truqué de quelle drôle de guerre
Tout ceux qui font le front le bradait à l'arrière
Nous n'avions que dix ans et dans nos gibecières
Une histoire de France qui tombait en poussière
On nous a fait courir, traverser des rivières
Sur des ponts d'Avignon qui dansaient à l'envers
Ça tirait par devant, ça poussait par derrière
Les plus pressés n'étaient pas les moins militaires
On nous a fait chanter pour un ordre nouveau
D'étranges Marseillaises de petite vertu
Qui usaient de la France comme d'un rince cul
Et s'envoyaient en l'air aux portes des ghettos

Et je me souviens, la petite juive
On lui a dit viens
Elle était jolie
Elle a fait sa valise
Un baiser de la main
Elle s'appelait Lise
Il n'en reste rien

Dans ce monde mort-né d'avant quelle autre guerre
Le Japon blessé lèche encore son cancer
Dans ce monde septique où ceux qui ont la foi
Ne savent plus si Dieu est devant ou derrière
Dans ce monde d'argent où la banque surnage
Comme une poisson ventru qui attend le naufrage
Nous n'avons que trente ans sainte horreur de la guerre
Et pourtant nous n'avons pas cessé de la faire
On nous a fait marner de Djébel en rizières
De Karib en Sylla, de cuvettes en civières
Comme si nous n'avions pas autre chose à faire
Qu'à montrer nos fesses aux quatre coins de la terre

Et je me souviens la petite Juive
Elle me disait viens
Elle était jolie
On faisait des bêtises
Où on ne faisait rien
Elle s'appelait Lise
Et je m'en souviens.

Paroles et Musique : Maurice Fanon 1965
© 1965 Disque CBS

Téléchargement du texte

La Petite juive.pdf

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jeudi, 11 septembre 2008 | Lien permanent

La lettre de Guy Môquet lu par Marc Ogeret

Considérant que Guy Môquet était bien plus proche de ses camarades de L'Affiche rouge que des pleurnicheries médiatiques de Sarkozy,

nous décidons de publier sa lettre.


podcast

 

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vendredi, 05 septembre 2008 | Lien permanent | Commentaires (1)

Spartaco Fontano

0057a895ae1ca19fe0c65c694f5d964a.jpg Fresnes, le 21 février 1944
 
Mon cher papa, ma chère maman, ma chère sœur,

Dans quelques heures, je serai parti rejoindre Nérone, car aujourd’hui à 15 heures, aura lieu mon exécution.

Mon cher papa, je vais mourir, mais il ne faut pas que le chagrin vous abatte, toi et ma chère maman ; il faut que vous soyez forts, aussi fort que je le suis en ce moment.

Ma mort n’est pas un cas extraordinaire, il faut qu’elle n’étonne personne et que personne ne me plaigne, car il en meurt tellement sur les fronts et dans les bombardements qui’il n’est pas étonnant, que moi, un soldat, je tombe aussi.

Oui, je comprends bien que ce sera dur pour vous tous qui m’aimez de ne plus me voir, mais encore une fois, je vous en conjure, il ne faut pas pleurer.

J’écris ces quelques lignes d’une main ferme et la mort ne me fait pas peur. J’aurais voulu vous serrer une dernière fois sur ma poitrine, mais je n’en ai pas le temps.

Pendant toute ma captivité, j’ai souvent pensé à vous, mais jamais je n’ai eu un moment de défaillance, j’espère qu’il en sera de même pour vous.

Mes chers parents, je termine cette courte lettre en vous embrassant bien fort et en vous criant courage.

 

Papa, maman, sœurette, adieu.

Spartaco

 

Ma chère maman,

 De tous et de toutes, je sais que ce sera toi qui souffriras le plus et c’est vers toi qu’ira ma dernière pensée. Il ne faut en vouloir à personne de ma mort, car j’ai moi-même choisi mon destin.

 
Que puis-je t’écrire, car quoique j’ai l’esprit clair, je ne trouve pas mes mots. Je m’étais engagé dans l’Armée de la Libération et je meurs quand la victoire éclate… Je vais être fusillé tout à l’heure avec mes 23 camarades*.
 
Après la guerre, tu pourras faire valoir tes droits de pension. La prison te fera parvenir mes affaires personnelles, je garde le maillot de papa pour que le froid ne me fasse pas trembler.
 
Ma chère sœur, il ne faut pas trop penser à moi, ne sois pas triste, marie-toi à un bon gars, et à tes enfants, tu leur parleras de cet oncle qu’ils n’ont pas connu.
 
Mon cher papa, il faut que tu sois fort, d’ailleurs, il est impossible que l’homme et la femme qui m’ont mis au monde ne soient pas forts.
Encore une fois, je vous dis adieu. Courage.

Votre fils Spartaco


*Il s’agit en fait de 21 camarades, une erreur de l’éditeur ?

Ils aimaient la vie, lettres de fusillés, présentées par Etienne Fajon, Editions Messidor, Paris, 1985.

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lundi, 07 janvier 2008 | Lien permanent | Commentaires (3)

La guérilla urbaine, Adam Rayski

 
LA GUERILLA URBAINE,
LA FORME DE COMBAT UTILISEE
PAR LES FTP-MOI
 

La guérilla urbaine est le type de combat employé par les FTP-MOI parisiens. « Les cadres » du groupe ont acquis, pour certains, dans le combat clandestin en Europe centrale (Szlomo Grzywacz), pour d’autres, en Espagne aux côtés des Républicains dans les Brigades internationales (Celestino Alfonso, Joseph Epstein) mais aussi dans les régiments de l’Armée française pendant les combats de 1940 (Boris Holban, Joseph Epstein, Emeric Glasz), les techniques de la lutte armée. Ce sont des professionnels aguerris. Quant aux plus jeunes du groupe, ils sont certes moins bien formés mais ils disposent, pour se battre, de l’énergie et de la rage.

 Seuls contre beaucoup :

En 1943, en région parisienne, les FTP-MOI forment le seul groupe de résistants importants qui continuent de lutter l’arme au poing contre l’occupant. Hormis les réseaux de résistance consacrés aux renseignements, les FTP-MOI sont désormais les seuls sur la place.

Mais ce n’est pas un hasard si, en 1943, il n’y avait plus que des étrangers pour mener la lutte armée à Paris. En effet, les groupes de résistants composés de français de souche, qui, comme les FTP-MOI prônent l’action armée, ont tous été démantelés par la police française durant la terrible année 1942. Les résistants français n’avaient pas la même expérience de la clandestinité et de la guérilla urbaine que les FTP-MOI. La chute de leurs réseaux en a été facilité.

Le rapport de forces entre, d’un côté les FTP-MOI et de l’autre la Gestapo et une police française au service des Allemands, est profondément inégal. On compte, dans les rangs des FTP-MOI, 65 résistants actifs à l’été 1943 à Paris. En face, on dénombre (sans la Gestapo), deux cents inspecteurs zélés des Brigades spéciales des renseignements généraux de la Préfecture de police. Ces  policiers sont déterminés à mettre fin aux agissements de ces « communo-terroristes ».

Le nombre d’actes de résistance recensé :

L’efficacité et la combativité des hommes et des femmes des FTP-MOI est remarquable. Ils commettent des attentats contre des officiers supérieurs allemands. Ils font dérailler des trains sur des lignes stratégiques. Ils posent des bombes dans des officines de collaborateurs et des restaurants mal fréquentés. Ils lancent des grenades sur la troupe. Ils volent armes, argent et explosifs pour monter de futures opérations.

De juin 1942 à novembre 1943, les FTP-MOI parisiens ont accompli 229 actions contre les Allemands et les collaborateurs, soit une opération armée pratiquement tous les deux jours.

Quelques opérations du groupe :

Levallois-Perret, le 17 mars 1943 :
Attaque à la grenade d’un détachement allemand qui circule rue Rivay. Un soldat allemand tué et 15 blessés.

Paris, le 26 mai 1943 :
Attaque d’un restaurant réservé aux officiers allemands à la Porte d’Asnières.

Paris, le 3 juin 1943, rue Mirabeau :
Deux FTP-MOI attaquent à la grenade un autocar transportant des marins allemands. Lors du repli, l’un des deux partisans, blessé, préfère se tuer avec sa dernière balle plutôt que d’être arrêté.

Paris, le 10 juin 1943, VIIe arrondissement :
Attaque du siège du parti fasciste italien rue Sédillot à l’occasion du troisième anniversaire de la déclaration de guerre de l’Italie à la France.

Rueil-Malmaison, le 23 juin 1943 :
Attaque à la grenade du poste de garde de la caserne Guynemer investi par les troupes allemandes.

Banlieue parisienne :
Dynamitages de pylônes électriques afin de ralentir la production industrielle destinée à l’ennemi.

Eté 1943 :
Recrudescence des déraillements et sabotages sur des lignes et des trains en région parisienne et en particulier sur les lignes de la gare de l’Est.

Paris, 12 novembre 1943 :
Rue Lafayette, IXe. arrondissement, attaque d’un convoyeur de fonds allemand pour assurer financièrement la dispersion du groupe qui se sent  de plus en plus menacé. Les premières arrestations ont lieu le 26 octobre 1943.

Vincennes, le 12 novembre 1943 :
Vol dans un garage de bicyclettes pour faciliter la fuite après les coups.

L’attentat contre le général SS Julius Ritter

L’action des FTP-MOI qui eut le plus de retentissement fut l’exécution, le 28 septembre 1943, rue Pétrarque, dans le XVIe arrondissement de Paris, du général SS Julius Ritter par l’équipe spéciale des FTP-MOI. Cet officier supérieur allemand supervisait en France le Service du Travail Obligatoire (STO), responsable de l’envoi de milliers de travailleurs outre-Rhin.

L’impact de cet attentat a été important dans l’opinion
 
Symboliquement tout d’abord, les FTP-MOI ont réussi à éliminer un chef honnis, responsable du départ des jeunes pour le travail forcé. Psychologiquement ensuite, les FTP-MOI démontrent à tous que les officiers allemands ne sont pas intouchables. Désormais, un sentiment d’insécurité règne chez l’occupant. Politiquement enfin, l’opinion, hostile au STO, cette conscription qui ponctionne les forces vives des familles, adhère à ce type d’agissement de la Résistance. « L’armée des ombres » devient ainsi protectrice de la population.

L’onde de choc provoqué par cet assassinat arriva jusqu’à Berlin. Himmler (chef des SS), ordonna à Oberg (chef de la police et des SS en France) de mettre, selon ses propres termes, « ces terroristes hors d’état de nuire ».

Rue Pétrarque – XVIe arrondissement de Paris, domicile du général SS Julius Ritter et lieu de l’attentat, le 28 septembre 1943.
C’est au moment ou le général SS Julius Ritter monte dans sa voiture pour partir au travail que Celestino Alfonso tire le premier, les balles amorties par les vitres de la voiture blesseront Ritter. Celui-ci tente de fuir du côté opposé, il se trouve alors en face de Marcel Rajman qui l’acheva de trois balles.
 
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La Gestapo a longtemps été le symbole de la répression menée contre la Résistance.
Or, les forces allemandes ont travaillé de concert avec la police française. Ainsi, à partir de l’été 1942, la deuxième Brigade spéciale des renseignements généraux de la Préfecture de police de Paris organise de vastes filatures contre les résistants communistes étrangers.

Alors même qu’ils multipliaient les exécutions, « les grenadages » et les attaques de trains, plusieurs des chefs du groupe FTP-MOI étaient surveillés de longue date par ces inspecteurs zélés des RG. Ces policiers les « cueillirent » quand ils eurent la certitude de pouvoir les anéantir d’un seul coup.
Ces filatures aboutirent en 1943 à trois coups de filet dévastateurs. Le premier au mois de mars 1943, le second qui décapite le deuxième détachement des FTP-MOI en juin et, enfin, le coup de grâce est porté en novembre 1943 avec l’arrestation du noyau dur du réseau : les 23 du procès du « groupe Manouchian et de l’Affiche rouge » dont les membres expérimentés de l’Equipe spéciale ( Celestino Alfonso, Léo Kneler, Marcel Rajman) ainsi que les responsables des FTP-MOI : Joseph Bokzor, Missak Manouchian, Joseph Epstein.

L’arrestation de M. Manouchian et de J. Epstein à Evry-petit-Bourg :

Les bords de la Seine à Evry-petit-Bourg (Essonne), lieu de l'arrestation de Joseph Epstein et Missak Manouchian par la BS2.
 
Le 16 novembre 1943
 
« Mardi 16 novembre 1943, la Brigade Spéciale, après quatre mois de filature, décide de frapper en commençant par Epstein et Manouchian. Ce dernier est attendu devant son domicile clandestin par le commissaire Barrachin, chef de la Brigade Spéciale n° 2 des Renseignements Généraux. Manouchain est pris en filature. Il prend le train à la gare de Lyon et descend à Evry-Petit-Bourg.  A la sortie de la gare, il aperçoit Epstein qui se met à marcher en direction de la Seine. Il le suit à une cinquantaine de mètres. Epstein, qui s’est déjà retourné à plusieurs reprises, convaincu d’être filé, descend vers la berge, très grasse et détrempée, et accélère le pas. Manouchian, qui s’est sans doute aussi aperçu de la filature, hésite puis continue son chemin. Poursuivi par deux inspecteurs et le commissaire Barrachin, échelonnés tous les quatre-vingts mètres environ, Epstein conserve son avance et arrive dans une allée au sol plus dur. Se retournant, il aperçoit trois policiers et se met à courir. L’inspecteur Chouffot tire à plusieurs reprises avant de le neutraliser. Rejoint par les trois policiers, il leur oppose une très forte résistance. Finalement, menotté dans le dos, il tente à nouveau de s’échapper mais sans succès. De son côté, Manouchian a été rattrapé par deux inspecteurs. Il tient dans la poche droite de son manteau un 6.35 avec une balle dans le canon mais décide de se rendre à la deuxième sommation. Il est 10 heures du matin. »
(D’après le rapport de police – Archives nationales, Z6 82/1260). FTP-MOI, guérilla urbaine

Paragraphe extrait de L’Affiche rouge, une  victoire posthume, d’Adam Rayski, DMIH, 1999.

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vendredi, 01 février 2008 | Lien permanent

La journée d'un ”terroriste”

 
LA JOURNEE D’UN “TERRORISTE”
 

On ne devait pas se connaître par nos vrais noms, en cas d’arrestation. On m’a demandé de choisir un pseudonyme. J’ai proposé “Jean”, c’était déjà pris, “Paul”, déjà pris, et ainsi de suite. A un moment donné, j’ai pensé à l’oiseau, Woody Woodpecker, j’ai dit “Pivert”. On me l’a accordé. On ne devait pas aller au cinéma, pas entrer dans les cafés, pas prendre le métro, éviter tous les lieux où il y avait des contrôles. On n’avait le droit d’aller nulle part en somme. J’allais au cinéma… bien que ce soit interdit. J’allais voir ma mère, j’avais pas le droit, mais j’y allais quand même, pour manger. J’avais faim, toute la journée j’avais faim. Je ne pensais qu’à ça. Et puis je marchais dans Paris, pour aller aux rendez-vous. Il faut l’avouer, je m’emmerdais, marcher toute la journée ce n’est pas une partie de plaisir. Sauf quand j’ai fait équipe avec Plombier : on avait le même âge, on marchait ensemble, on parlait… et il savait faire des crêpes à la farine de haricot. C’était bon. On allait dans un restaurant à St Michel où on servait du lapin. A l’époque quand tu commandais un plat de viande, il fallait donner un ticket d’alimentation. Là ils n’en exigeaient pas : je me demande si le lapin ce n’était pas du chat. Le soir, je retrouvais ma chambre. C’était une mansarde pleine de… punaises. Un enfer. C’est Gilbert qui m’avait trouvé cette chambre. Comme j’étais pas majeur, c’est lui qui m’a servi de tuteur auprès de la propriétaire. On touchait 2 300 francs par mois. Vers le 20 de chaque mois, il ne me restait plus grand chose pour vivre. J’allais plus souvent chez ma mère.

LES ARMES

Un jour Plombier m’a dit “viens je vais t’apprendre à te servir d’un revolver”. Il m’a emmené en forêt de Viroflay, il a épinglé un journal contre un arbre ; on s’est mis à une dizaine de mètres et on a tiré. J’ai manqué le journal. C’est la seule fois où j’ai eu à me servir d’un revolver pendant la guerre.

L’EQUIPE SPECIALE
 
Avec Plombier, on a lancé une grenade sur un détachement allemand, boulevard de Courcelles, le 27 mai 1943. L’action a réussi, mais on nous a tiré dessus et j’ai été blessé à l’aine. J’ai réussi à rentrer chez ma mère, tout en sang, heureusement que j’avais un imperméable pour me protéger. On m’a soigné et j’ai repris les actions. Comme on trouvait que j’avais fait preuve d’initiative au cours de l’action boulevard de Courcelles, le détachement allemand n’a pas pris le chemin prévu et j’ai fait l’action quand même, on m’a muté dans l’équipe spéciale dans laquelle il y avait les combattants d’élite.
On m’a fixé un rendez-vous avec Manouchian. C’était le responsable.
C’est le seul que j’ai connu. C’est lui qui fixait les objectifs, qui nous donnait nos salaires, nos tickets d’alimentation.
L’équipe spéciale c’était Rayman, qui avait un ou deux ans de plus que moi, Alfonso qui avait fait la guerre d’Espagne et un Allemand, très sévère, qui se faisait appeler Marcel 3 et qui avait un accent terrible, il ne voulait pas que je lui parle dans la rue, pour ne pas avoir à répondre.

L’ATTENTAT “REUSSI-MANQUE”

CONTRE LE GENERAL VON SCHAUMBURG

Manouchian m’a dit que des camarades avaient repéré le général commandant du Grand-Paris et qu’ils avaient préparé une action contre lui. On devait l’attaquer dans sa voiture qui passait tous les jours avenue Paul-Doumer. C’était une voiture décapotée. Nous étions quatre. Marcel*, l’Allemand sévère, devait lancer une grenade sur la voiture. Rayman était première défense, moi deuxième défense. Et il y avait un quatrième combattant 4 qui devait nous prévenir, par un signe, de l’arrivée de la voiture. De ma place, je ne voyais rien de l’action ; je devais attendre que Marcel et Rayman se replient en passant devant moi pour me retirer. Si quelqu’un les poursuivait je devais l’abattre. J’étais à mon poste, j’attendais. Et tout d’un coup j’ai entendu l’explosion. Marcel et Rayman sont passés devant moi et je me suis replié. L’action semblait avoir réussi. On en était convaincus. Le seul problème, c’est que le général ne se trouvait pas dans sa voiture ce jour-là. Mais ça, on ne l’a su que 20 ans plus tard…

LES FILATURES

On était filés depuis des mois. Je le voyais. J’ai vu Plombier suivi. J’ai vu Davidowicz se faire suivre. Je passais mes journées à essayer de “défiler les filatures” ; j’utilisais la station de métro Arsenal qui était peu fréquentée : je montais dans un wagon et au moment où les portes allaient se refermer je sautais sur le quai qui était désert. Mais les filatures reprenaient quelques jours plus tard. Les flics, les flics français, tissaient autour de nous une toile et ils attendaient le moment propice.

MA DERNIERE ACTION

Le service de renseignement avait repéré un major allemand qui allait s’asseoir tous les matins au Parc Monceau pour lire. Le service de renseignement c’étaient des camarades, des femmes principalement, qui circulaient dans Paris à la recherche de cibles. On en a parlé à deux ou trois rendez-vous et Manouchian nous a donné l’ordre de l’abattre. C’est Alfonso qui a été chargé de l’action. Il devait venir à vélo, tirer sur le major à bout portant, et s’enfuir. Rayman était première défense, moi deuxième et Marcel derrière nous en observateur.

On est arrivé sur les lieux. Alfonso s’est dirigé vers le Major et soudain je vois Marcel qui remonte en courant vers moi : “Va lui dire d’arrêter”. Je cours vers Alfonso, il était sur le point de tirer sur l’Allemand, et je lui mets la main sur l’épaule. Il se retourne, il était tout pâle : “Qu’est-ce que tu me fais chier.” Je lui dis : “Marcel il a dit d’arrêter.” On revient vers Marcel et on voit que la rue par laquelle on devait se replier était barrée par des policiers. Si l’action avait été maintenue, c’était le massacre. On s’est dispersé. On est revenu le lendemain matin. Pas de Major. On ne l’a pas vu arriver. Il était déjà assis sur son banc. Alfonso est descendu de son vélo, s’est approché de l’Allemand et l’a tué sur le banc. Il a repris son vélo et se préparait à s’enfuir. A ce moment, on a entendu quelqu’un crier “arrêtez-le ! à l’assassin !” et sauter sur Alfonso, l’aggriper. Ils se sont empoignés un instant et Alfonso a réussi à se dégager d’un coup de coude. Il a pris son vélo et il s’est sauvé. L’action avait réussi. Rayman s’est replié et moi derrière Rayman. On avait rendez-vous, tous les quatre, après l’action, au Pré-St-Gervais, sur un terrain vague. On s’y est retrouvé et il y a Marcel qui me dit brutalement (avec l’accent allemand) : “T’as pas fait ton travail. T’aurais dû tirer sur le type qui avait accroché Alfonso.” Ce qui était absurde : j’étais à vingt mètres, si j’avais tiré, j’aurais aussi bien pu toucher Alfonso que le type. Il m’a dit ça d’un air vraiment méchant. Je me suis mis à pleurer. Je me suis levé et je suis parti en courant. J’ai quitté la Résistance.
 
Où es-tu allé ? Chez ma mère. Je vais te le dire : j’en avais marre. J’avais mal au ventre, ma blessure me tiraillait, j’avais de la peine à courir et en plus de ça il y a ce responsable qui m’engueule : ça je l’ai pas digéré. Boris Holban, qui était le chef militaire des FTP-MOI parisiens avant Manouchian, et qui n’était donc pas à Paris à ce moment-là, insinue que tu as déserté ? Ça prouve qu’on n’a pas fait la même résistance. Lui après la guerre, il est devenu général ou colonel dans la Roumanie stalinienne. Il a fait de la résistance en militaire stalinien. Moi je m’y suis engagé en volontaire et je suis parti volontairement. J’avais 16 ans et demi, la Résistance pour moi c’était la liberté. Pour lui, c’était la trique. Holban je ne l’ai jamais connu. Je ne l’ai jamais vu sur le terrain, dans une action. Je n’ai connu qu’un chef dans la période où j’ai combattu, c’était Manouchian. Manouchian était humain. Il m’a un jour apporté, à un rendez-vous clandestin, une paire de chaussures parce qu’il a vu que j’en avais besoin. Mais il y avait dans notre groupe des chefs qui nous prenaient pour des pions.

L’AFFICHE ROUGE ?

Je l’ai découverte dans le métro, six mois plus tard, je pouvais plus respirer quand je l’ai vue, j’ai cru que j’allais étouffer… Tu as des regrets ? Non, aucun. Si ! un. Ne pas avoir tué d’avantage de nazis… Les nazis ont déporté et assassiné ma mère, mes deux sœurs, mon frère, ma grand-mère, ma tante, mon oncle, mon petit cousin qui avait 3 ans… Tu me comprends ?…


*Il s’agit probablement de Léo Kneller.

Entretien avec Raymond Kojitsky,
réalisé par Mosco. (Extraits)

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vendredi, 01 février 2008 | Lien permanent

Olga (Golda) Bancic

GOLDA BANCIC
 
 
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(Chargée du transport d'armes, elle a participé à une centaine d'attaques contre l'armée d'occupation. Déportée, elle fut guillotinée dans la cour de la prison de Stuttgart, le 10 mai 1944, le jour de son trente-deuxième anniversaire.)

16 novembre 1943
Pierre Gautherie *
(commissaire)

 

Constatons que les inspecteurs Blanchin, Candas, Gourjon, Amigou, Brandy et Schultz mettent à notre disposition la nommée
Bancic Golda, née le 28 mai 1912 à chizineau (Roumanie), de Noé et de Zeains Marie, célibataire, un enfant, de nationalité roumaine et de race juive, sans profession, sans domicile connu.

Arrêtée ce jour, à 13 h 30, rue du Docteur-Paul-Brousse (Paris 17e), dans les circonstances énoncées au rapport ci-joint, alors qu’elle se trouvait en compagnie du nommé Rajman Marcel dit « Michel », membre de l’équipe spéciale des FTP.

Fouillée lors de son arrestation, par une personne de son sexe, elle a été trouvée porteur d’une fausse carte d’identité au nom de Lebon née Petresca Marie.

La femme Bancic fait l’objet aux archives centrales de notre direction d’un dossier n° D.117.587 où l’on trouve un rapport de renseignements en date du 15 décembre 1941, relatif à l’évasion de son amant le nommé Salomon Jacob de l’hôpital Tenon, le 23 novembre 1941.

Elle est inconnue aux archives de la police judiciaire.

Son nom n’est pas noté aux sommiers judiciaires.

Nous procédons à son interrogatoire par acte subséquent.

Le commissaire de police.

Interpellée verbalement lors dès son arrivée à notre service, la femme Bancic a reconnu après de nombreuses réticences être domiciliée 114, rue du Château-d’Eau.

Le commissaire de police

 

16 novembre 1943

Interrogatoire de Golda Bancic (Extraits)

….je me nomme Golda Bancic née le 28 mai 1912 à chizineau (Roumanie), de Noé et de Zeains Marie, célibataire, un enfant.
Je suis de nationalité roumaine et de race juive.
Je suis démunie de pièce d’identité d’étranger.
Je suis domiciliée 114, rue du Château à Paris 14.
Je sais lire et écrire le français.

Sur les faits :

Je suis arrivée en France en 1938, venant de Chisineau. J’avais l’intention de suivre mes études à la faculté de lettres où j’étais inscrite quelques jours après mon arrivée jusqu’à la déclaration de guerre.

J’ai retrouvé à Paris un de mes compatriote que j’avais connu en Roumanie. J’ai vécu avec lui maritalement 2 cité Popincourt, puis 60, rue Saint-Sabin.

Mon ami s’appelle Jacob Salomon, il a été arrêté en septembre 1941, je crois, en temps que juif roumain et interné à Drancy. J’ignore ce qu’il est devenu.

En avril 1943, je suis venue habiter 114, rue du Château à Paris. Pour subvenir à mes besoins je faisais des ménages.

En juillet 1943, une personne dont je n’ai jamais connu le nom, m’a demandé de travailler pour une organisation communiste. J’ai accepté. Elle m’a alors présenté à un homme avec qui j’ai toujours travaillé. Je me refuse à vous donner le pseudonyme de cet homme, du reste je ne m’en souviens plus.

J’ai pris le pseudonyme de Pierrette, je ne sais pas le numéro matricule qui m’avait été affecté, j’ignore à quel détachement j’appartenais.

Les premiers temps, l’homme avec qui je travaillais m’a passé quatre pistolets et quatre grenades que j’ai entreposés chez moi.

Mon rôle consistait à porter les armes sur les lieux ou plutôt à proximité des lieux  d’opération. Après l’opération les camarades me rendaient les armes que je rapportais chez moi.

J’ai effectué ce travail quatre ou cinq fois. Je ne me souviens plus à quels endroits je me suis rendue ni de quelles opérations il s’agissait.

Les derniers temps je n’ai pas repris les armes chez moi celles-ci sont restées aux mains de mes camarades. Je n’ai plus de matériel chez moi.

A l’issue d’une de ces opérations, j’ai appris qu’un camarade appelé « André » avait été blessé accidentellement. Je sais que ce camarade a été soigné par des docteurs n’appartenant pas à notre organisation. J’ignore le nom et l’adresse de ces docteurs.

S.I. Je touchais de l’organisation 2 300 francs par mois, ainsi que des titres de ravitaillement.

La carte d’identité qui a été découverte sur moi au moment de mon arrestation, m’avait été remise par un membre de l’organisation dont j’ignore le pseudonyme.

N.S.I. au moment de mon arrestation, j’étais en compagnie d’un individu que je voyais pour la première fois. Je m’étais rendu à ce rendez-vous sur instruction. J’ignore ce que me voulait cet homme. Je n’ai aucune idée de l’objet de ce rendez-vous. Il s’agit bien de l’individu dont vous me représentez la photographie et que vous me dites s’appeler RAYMAN (« Michel »). Il y avait un autre homme à ce rendez-vous, mais je n’y ai pas prêté attention, je ne l’avais jamais vu.

* Après le déménagement de la BS2 au deuxième étage, galerie sud (préfecture de police), avec la BS1, ce sont les salles 33, 35, 36 et 38 qui serviront aux interrogatoires. Il semble dès lors que la proximité des lieux ait amené des inspecteurs désœuvrés ou disponibles dans des locaux communs aux deux BS à participer indifféremment aux brutalités contre des prévenus, quelle que soit la brigade ou le groupe concernés. A partir de l’automne 1943, à la suite des menaces de la radio anglaise et des risques de délation de collègues qui réprouvent ces méthodes, les séances se déroulèrent dans le propre bureau du commissaire Gautherie, à l’abri des regards et des témoins.

Cette note figure à la page 442 de l’excellent ouvrage Liquider les traîtres la face cachée du PCF 1941-1943, Jean-Marc Berlière et Franck Liaigre, Éditions Robert Laffont, Paris, septembre 2007.
 
Nota : Merci de nous communiquer toutes les informations concernant Olga Bancic, qui seraient en votre possession, suceptibles de mieux faire connaître cette martyre de la Résistance.

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dimanche, 06 janvier 2008 | Lien permanent | Commentaires (3)

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