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lundi, 09 avril 2007

Léon Goldberg à sa fiancée

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Fresnes, le 21 février 1944

Ma Chérie,

Ma dernière lettre et mon dernier souvenir pour toi ; je vais être fusillé à 3 heures. Il est 11 1/2. D’abord, je voudrais que tu ne pleures pas et que tu sois très courageuse comme je le suis moi-même. Je n’ai pas peur de mourir. Je trouve quand même que c’est un peu trop tôt. Comme cadeau d’anniversaire, c’est réussi, n’est-ce pas ? Tu sais depuis samedi ce qui m’attend par les journaux.Ta photo est devant moi, ce matin comme toujours. Je l’emmène avec moi pour ce long voyage d’où personne n’est, je crois, jamais revenu. Console-toi très vite, nous nous sommes trop peu connus. J’ai fait mon devoir envers tous. Je ne regrette rien.Tout ce que je voudrais, c’est que, quelquefois, vous tous, mes amis pensiez à moi. Maintenant, j’embrasse tes parents, Fanny, toi-même, ma chérie, ainsi que tous mes amis. Quand mes parents reviendront, tu rendras mes affaires, enfin arranger tout quand tous seront de retour.Ils ont été très forts pour mon cadeau d’anniversaire, ne trouves-tu pas ?
Je n’écris pas grand-chose. Je n’ai pas grand-chose à écrire. Ça vaut mieux. Parlons des amis.
Je souhaite tout le bonheur possible à Roger, Denise et Jean, Claude leur fils, Robert Balin : je les embrasse ainsi que leurs parents. J’embrasse tous les amis du quartier, je n’énumère pas leur[s] nom[s]. Embrasse mes cousins Pérel, les amis Berkowitz, sans oublier surtout Merlo et leurs enfants, Sznaper, Debut, (Alice, Mireille, Joseph) Finkelstein, Fuks, Deltour, Tondelier, Postaniec, enfin tous sans exception. J’oublie Anna, ses parents, Ben, Joseph, etc. Je n’arrête pas de manger en ce moment. Que veux-tu que je te dise, ma chérie ; il faut bien mourir un jour. Je t’ai beaucoup aimée, mais il ne faut pas pour cela oublier que ta vie continue, à toi. D’ici quelque temps, j’espère que tu te seras fait une raison et que la vie reprendr[a] ses droits.
Enfin, ADIEU À TOUS. La vie sera meilleure pour vous. Je vous embrasse tous, ta famille et toi, Ginette.
Je demande pardon à tous ceux que j’oublie des amis.
Ma Ginette, je partirai avec ton nom sur mes lèvres.

 

VIVE LA FRANCE : Léon Goldberg.

J’écris mal à cause du froid.



La Vie à en mourir, Lettres de Fusillés, 1941-1944, Editions Tallandier, Paris, 2003.

Commentaires

Ce qui me frappe le plus à la lecture de ses lettres, c'est la puissance de vie qui s'en dégage. Ne pas fléchir, "tenir le pas gagné" comme le disait Rimbaud. À l'heure des basses manigances électorales, des repentis, la tenue de ses hommes morts pour un seul idéal : "la liberté" devrait faire rougir de honte les partisans du "droit du sang" !
Merci pour ce rappel Patrice

Écrit par : Fabrice | lundi, 09 avril 2007

Lorsque l'on voit la détermination de ces hommes et femmes, leur volonté de vivre, leur combat contre le renoncement, alors oui on ne peut qu'être affligé par la veulerie de nos politiciens. Quant à Rimbaud, tu as raison de le citer, d'un même élan c'est de la "liberté libre" dont il s'agit. C'est une victoire posthume pour nos frères de l'Affiche rouge, mais une victoire qui résonne comme la conscience de l'universel, de l'humanité profonde qui les animait à chaque instant.
A bientôt Fabrice.
Patrice Corbin

Écrit par : Patrice Corbin | lundi, 09 avril 2007

Nos politiciens connaissent bien les contradictions qui les affligent. Ils savent que leur politique a une limite : la connaissance. C'est pourquoi tous essaient de priver de penser l'Homme. Et c'est une lettre comme ça qui fait que nous nous rappelons les vraies valeurs ! Vive la France ! Dit un étranger qui allait mourir de la main de son frère l'Homme.

Écrit par : Arnaud | vendredi, 13 avril 2007

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