Après nous, après eux (mardi, 22 janvier 2013)


DE QUOI CELESTINO ALFONSO EST-IL LE NOM ?

 

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« Il fallait oser », bien des voix s’élèveront dans ce sens. Patrick Fort, après maintes hésitations, prend le risque. Il prend le risque de la chute, de la critique acerbe de quelques historiens scrupuleux (on ne leur reprochera pas), explorateurs d’archives, cherchant sources et recoupements ; ceux-là, nous les étudions et leurs recherches nous sont précieuses, ceux-là nous permettent de comprendre l’événement historicisé, d’apprécier avec méthode une séquence historique.


Patrick Fort est tout autre, il n’est ni historien, ni chercheur, il est écrivain, il marche sur des chemins rougis par le sang des hommes, il tremble, il doute, il se détourne puis revient, hanté qu’il est par une voix. Quelle voix, quelle mémoire surgit, subsume jusqu’à l’obsession ? Il me parle, il nous parle Celestino Alfonso, il interpelle : « J’ai été fusillé le 21 février 1944 avec vingt et un de mes camarades, Olga Bancic fut décapitée à la prison de Suttgart le 10 mai de la même année. »


Après nous, c’est l’ultime parole étranglée de Celestino. Patrick Fort nous bouscule, nous arrache au confort de notre aveuglement, de notre ignorance, il nous renvoie à cette sentence et c’est implicitement qu’il nous oblige, avec force et détermination. Chacune, chacun de ses lecteurs l’entendra. « Après eux », après ces combattants de l’ombre qui s’illustrèrent dans la guérilla urbaine (au plus fort de ses actions durant l’année 1943), anciens d’Espagne, communistes internationalistes, combattants de la liberté luttant contre le fascisme et toutes les oppressions, militants déterminés par la volonté inépuisable de transformer le monde pour l’émancipation des exploités de tous les pays, des internationalistes révolutionnaires, nul n’en peut douter. Pour ces raisons, j’aime à dire que Patrick Fort est un « passeur-passant », il nous invite à un face-à-face sans concession, bouscule nos doutes, fustige nos capitulations. Il nous somme en même temps que Celestino nous arme et s’obstine dans le bruit assourdissant du crépitement des balles nazies qui l’assassinèrent au Mont Valérien, un après-midi de honte pour l’humanité toute entière. Il nous renvoie à notre responsabilité de femmes et d’hommes pour que le mot liberté devienne événement historique.


Il fallait tuer pour sauver la vie, tuer ceux qui, dans une folie meurtrière, transformaient l’Europe en un immense charnier, ceux qui semèrent la terreur par le crime et l’humiliation. J’entends Henri Karayan : « Je n’ai pas tué d’Allemands, je n’ai tué que des nazis », Missak Manouchian :« Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand. »


Patrick Fort a su avec sincérité et humilité, donc avec talent, se déjouer de la porosité entre réalité et légende, Après nous, il nous interroge : « Après eux ». Il y a donc bien plus qu’un livre, il y a une idée, celle irréductible de révéler le sens du combat mené par Celestino et ses camarades, celle incontournable d’être dignes de ces femmes et de ces hommes en martelant notre propre histoire avec le marteau de la liberté sur l’enclume de la vie. Merci à toi Patrick Fort.


Patrice Corbin

Le 23 septembre 2012


 

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