Strophes pour se souvenir (jeudi, 22 mars 2007)
STROPHES POUR SE SOUVENIR
Vous n’avez réclamé la gloire ni les larmes
Ni l’orgue ni la prière aux agonisants
Onze ans déjà que cela passe vite onze ans
Vous vous étiez servis simplement de vos armes
La mort n’éblouit pas les yeux des partisans
Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes
Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants
L’affiche qui semblait une tache de sang
Parce qu’à prononcer vos noms sont difficiles
Y cherchait un effet de peur sur les passants
Nul ne semblait vous voir Français de préférence
Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant
Mais à l’heure du couvre-feu des doigts errants
Avaient écrit sous vos photos MORTS POUR LA FRANCE
Et les mornes matins en étaient différents
Tout avait la couleur uniforme du givre
À la fin février pour vos derniers moments
Et c’est alors que l’un de vous dit calmement
Bonheur à tous bonheur à ceux qui vont survivre
Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand
Adieu la peine et le plaisir adieu les roses
Adieu la vie adieu la lumière et le vent
Marie-toi sois heureuse et pense à moi souvent
Toi qui vas demeurer dans la beauté des choses
Quand tout sera fini plus tard en Erevan
Un grand soleil d’hiver éclaire la colline
Que la nature est belle et que le cœur me fend
La justice viendra sur nos pas triomphants
Ma Mélinée ô mon amour mon orpheline
Et je te dis de vivre et d’avoir un enfant
Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
Vingt et trois qui donnaient leur cœur avant le temps
Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
Vingt et trois qui criaient la France en s’abattant
LOUIS ARAGON Le Roman inachevé, Paris 1956, Ed. Gallimard
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Commentaires
Bonjour, j'aimerai vous faire partager un poème intitulé "Légion" écrit par Paul Eluard dédié au groupe Manouchian.
LEGION
Si j'ai le droit de dire en français aujourd'hui,
Ma peine et mon espoir, ma colère et ma joie
Si rien ne s'est voilé, définitivement,
De notre rêve immense et de notre sagesse
C'est que ces étrangers, comme on les nomme encore,
Croyaient à la justice, ici bas, et concrète
Ils avaient dans leur sang le sang de leurs semblables
Ces étrangers savaient qu'elle était leur patrie.
La liberté d'un peuple oriente tous les peuples
Un innocent aux fers enchaîne tous les hommes
Et qui se refuse à son coeur, sait sa loi
Il faut vaincre le gouffre et vaincre la vermine
Ces étrangers d'ici, qui choisirent le feu,
Leurs portraits, sur les murs, sont vivants pour toujours
Un soleil de mémoire éclaire leur beauté
Ils ont tué pour vivre, ils ont crié vengeance.
Leur vie tuait la mort au coeur d'un miroir fixe
Le seul voeu de justice a pour écho la vie
Et lorsqu'on n'entendra que cette voix sur terre,
Lorsqu'on ne tuera plus ils seront bien vengés,
Et ce sera justice.
PAUL ELUARD.
Vous pourrez lire également ce poème dans le livre de Benoît Rayski intitulé "L'affiche rouge 21 février 1944 Ils n'étaient que des enfants..." aux éditions du félin.
Écrit par : Shéhérazade | mercredi, 04 avril 2007
Vous connaissez sans doute la chanson de Léo Ferré? Le support audio de ce chanteur d'exception rend ce poème plus touchant que n'importe quoi
Écrit par : Arnaud | vendredi, 13 avril 2007
Bonjour, Shérazade, j'ai pris le poème que vous proposiez sur mon blog, je le mets sous votre proposition.
Merci
Écrit par : Cassandre | dimanche, 21 octobre 2007