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Arben Abramovitch Dav'Tian

A. Manoukian.jpgARBEN ABRAMOVITCH DAV’TIAN

Arben dit André

alias Armenek Manoukian Tavitian

(1895-1944).
Nationalité Russe

(Né à Choucha, Russie en 1895 ou 1898, exécuté au Mont-Valérien, Suresnes 1944)

Arben Abramovitch Dav’tian (transcrit généralement Tavitian) est originaire de Transcaucasie. Il commence à travailler à l’âge de 14 ans. Serrurier, imprimeur, puis mécanicien, il rejoint en 1917 le parti bolchévique et s’engage l’année suivante dans l’Armée Rouge. D’abord soldat, il devient officier, responsable politique dans son unité. Il combat durant toute la guerre civile dans le Caucase.
Il entreprend à partir de 1923 des études à l’Université communiste de Transcaucasie dont il est exclu en 1925 pour trotskysme. En 1927, Arben Tavitian est exclu du Parti puis emprisonné en septembre1928. Il reste sous le contrôle du GPU à Erevan puis à Tiflis et enfin à Akmolinsk où il retrouve des militants de l’"Opposition de gauche". En 1931, il est à nouveau arrêté : incarcéré à la prison de Petropavlosk, il est condamné à trois ans de prison. Transféré à Verkhnéouralsk, il participe à une grève de la faim mais finit par plier et renier le trotskysme. Sa peine purgée, il est exilé à Andijan en Asie centrale : là, il parvient à s’enfuir d’Union Soviétique et à gagner la Perse en 1934.

Arben Tavitian reprend alors contact avec Léon Trotsky qui organise sa venue en France. Il débarque à Marseille en mai 1937 et témoigne dès son arrivée à Paris devant la commission d’enquête sur les procès de Moscou. Après avoir participé un temps aux activités du groupe russe réuni autour du fils de Trotsky, Léon Sedov, il s’en éloigne au bout de quelques mois ne supportant pas l’atmosphère de querelle qui y règne.

Il trouve du travail comme ouvrier et se rapproche des milieux de l’émigration arménienne. Arben Tavitian entre en juillet 1943 au premier détachement des Francs-Tireurs et Partisans de la Main-d’œuvre immigrée (FTP-MOI) de Paris.

Arben Tavitian est arrêté en novembre 1943 par la Brigade Spéciale de la police parisienne qui le remet aux Allemands. Condamné à mort par la cour martiale du tribunal allemand auprès du commandant du Grand Paris en février 1944, il est fusillé le 21 février au Mont-Valérien avec 21 combattants FTP-MOI.

Sources bibliographiques
L’ancien « trotskyste » du groupe Manouchian, Cahiers Léon Trotsky, septembre 1985,
— Abraham Lisnner, Un franc-tireur juif raconte ..., Paris, L’Auteur, 1977,
— Philippe Robrieux, L' Affaire Manouchian, vie et mort d'un héros communiste, Paris, Fayard, 1986.

Grégoire GEORGES-PICOT

Nous sommes à la recherche de documents concernant Arben Abramovitch Dav'Tian, toute personne susceptible de nous aider sera la bienvenue. S'il existe des témoignages ou une trace familiale de ce résistant, nous serions heureux de pouvoir, en étroite collaboration  avec elles ou eux, apporter des précisions sur le parcours de ce trotskyste du groupe dit "Manouchian".

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samedi, 04 avril 2009 | Lien permanent | Commentaires (4)

Missak par Didier Daeninckx




Ce livre n'a pas pour prétention de faire autorité historique, loin s'en faut. Un personnage central, Missak Manouchian, un journaliste du journal L'Humanité chargé de mener une enquête sur ce résistant qui inspira Louis Aragon, enfin une inquiétude croissante sur ce qu'il était. Qui était Manouchian ? C'est la question que se pose le Parti communiste au moment où ce visage de terre arménienne sort de l'ombre et se voit honoré par ceux qui l'ont occulté pendant tant d'années. Oui monsieur Aragon, onze ans que cela passe vite onze ans. La Résistance devait être française et le parti communiste n'était pas pressé de révéler l'abnégation de ceux de l'Affiche rouge (Arméniens, Juifs Polonais, Italiens, Espagnols, Hongrois, Tchèques, etc.), ceux-là mêmes morts pour la France, comme il est convenu de dire ; mais ceux là aussi qui, internationalistes, parlaient d'une autre guerre, la guerre de classes qui doit s'inscrire dans le processus d'émancipation, la révolution socialiste. Et puis, celui beaucoup moins connu, Arben Abramovitch Dav'Tian, dont le nom, sans doute trop difficile, s'éclipsera derrière Armenak Manoukian ou Arpen Lavitiant, trois noms pour un seul homme. Un seul homme et Manouchian le sait, un homme qui a dû fuir le régime de Staline, un homme qui a cotoyé l'Opposition de gauche, un homme pour lequel le nom de Trotsky rime avec internationalisme et révolution prolétarienne. Tout cela Manouchian ne l'ignore pas.

Manouchian l'homme de la liberté libre regarde la colline des suppliciés en demandant à Armène de ne pas oublier celui qui tombe le 21 février 1944 à ses côtés, un de ses camarades aussi grand et précieux que les autres, Arpen Tavitiant, Armenak Manoukian, Arben Abramovitch Dav'Tian, un homme, un seul homme.

Un livre à lire, où il n'y a pas d'étrangers mais seulement des hommes pris dans l'étau d'une histoire, d'une époque devrions-nous dire, qu'ils ne maîtrisent pas.

Patrice Corbin

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dimanche, 15 novembre 2009 | Lien permanent | Commentaires (2)

Le 21 février 1944

EXÉCUTION DE 22 COMBATTANTS FTP-MOI

AU MONT VALÉRIEN

 

Le 21 février 1944, les combattants FTP-MOI du groupe dit "Manouchian" ont été exécutés au Mont Valérien au lieu dit "la clairière". C'est après un simulacre de procès à l'hôtel Continental rue de Rivoli, à Paris, sous l'autorité des Allemands et la complicité de l'État français que furent condamnés à mort les 23 résistants. Arrêtés les 16 et 17 novembre 1943, torturés par les policiers français à la Préfecture de Police, ils furent incarcérés à la prison de Fresnes pendant plusieurs mois. Olga Bancic, connue sous le pseudonyme de Pierrette fut déportée en Allemagne, emprisonnée et torturée à la prison de Stuttgart où elle fut décapitée le jour de son anniversaire, le 10 mai 1944. Ils étaient toutes et tous des combattants de la liberté, communistes étrangers, juifs apatrides, anciens de la guerre d'Espagne, pensons à Joseph Epstein, le colonel Gilles, qui arrêté en même temps que Manouchian, sera lui-même effroyablement torturé avant d'être exécuté au Mont Valérien quelques semaines après ses camarades.

N'oublions pas que ces femmes et ces hommes se sont battus contre la barbarie pour que le mot émancipation ait un sens.

Le 21 février 1944, au Mont Valérien, les exécutions commencent à 15 h 22, nous donnons ci-dessous, conscients de l'horreur que cela suscite, le relevé de cet assassinat.  34 minutes suffirent pour mettre fin à la vie de 22 hommes.

Une affiche connue sous le nom de "Affiche rouge" fut placardée sur les murs des villes de France. L'idée était de montrer que ces hommes n'étaient rien d'autres que des criminels, ainsi peut-on lire au bas de cette terrible affiche "LA LIBÉRATION PAR L'ARMÉE DU CRIME". Mais écoutons Aragon qui, en 1956, écrivit Strophes pour se souvenir. Quelques années plus tard, c'est Léo Ferré qui rendra célèbre ce texte d'espoir et de luttes en composant la musique de ce qui allait devenir une chanson, L'Affiche rouge.

 

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15 h 22 : Spartaco Fontanot, Missak Manouchian, Roger Rouxel, Amedeo Usseglio Polatera, Robert Witchitz.

 

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15 h 29 : Georges-Ferdinand Cloarec, Rino Prima Della Negra, Cesare Lucarini, Antonio Salvadori.

 

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15 h 40 : Celestino Alfonso, Joseph Wolf Boczor, Emeric Glasz, Marcel Rajman.

 

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15 h 47 : Tamas Elek, Moska Fingercwaig, Jonas Geduldig Martiniuk, Wolf Wajsbrot.

 

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15 h 52 : Lajb (Léon) Goldberg, Arben Abramovitch Dav'Tian, Wolf Salomon Szapiro.

 

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15 h 56 : Szlama Grizwacz, Stalinas Kubacki.

 

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Olga Bancic, dite Pierrette.

 

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vendredi, 31 janvier 2014 | Lien permanent | Commentaires (1)

Ils étaient des nôtres !

RETOUR SUR L'AFFICHE ROUGE

AIMER LA VIE A EN MOURIR

 

Le 21 février 1944, 22 combattants des Francs-tireurs et partisans de la Main-d’œuvre immigrée (FTP-MOI) étaient fusillés. La mémoire de leur participation à la Résistance est restée longtemps enfouie..., notamment dans les archives du Parti communiste français.
Il y a 60 ans, 22 résistants étaient fusillés. Parmi eux, Missak Manouchian. Le plus jeune, Thomas Elek, avait 17 ans. La seule femme, Golda Bancic, fut décapitée en mai. Le colonel-président du « procès » affirmait alors : « La police française a fait preuve d'un grand dévouement. » Il faisait référence, en l’occurrence, à l’une des brigades spéciales des renseignements généraux qui les arrêta après de multiples attaques de convois militaires et de colonnes de troupes, hold-up, sabotages, attentats (entre autres contre le commandant du Grand Paris et le responsable du Service du travail obligatoire (STO) en Allemagne. Sur les 80 combattants des Francs-tireurs et partisans de la Main-d’œuvre immigrée (FTP-MOI) actifs en région parisienne entre juin et novembre 1943 — auxquels appartenait le groupe —, huit seulement n’ont pas été arrêtés ou tués. Il ne restait alors, dans la région, déjà plus beaucoup d’autres FTP, suite à la répression et au départ au maquis des jeunes requis par le STO. Il aura fallu du temps avant que cette épopée ne figure dans les manuels du secondaire ; comme celle de l’affiche des occupants — placardée à 15 000 exemplaires — dénonçant « l’armée du crime’, baptisée bien plus tard « L'Affiche rouge », dans un poème d’Aragon chanté par Léo Ferré.Le « procès » avait été monté pour alimenter la xénophobie et l’antisémitisme du régime de Vichy. La Résistance était ainsi le fait d’une « tourbe internationale » (Le Matin), de « terroristes judéo-communistes » (Paris-soir), « l’activité d'étrangers et de Juifs abusant de l’hospitalité française pour créer le désordre dans le pays qui les a recueillis », et dont « le but est l’avènement du bolchevisme international » (1). Internationalistes effectivement, ces Arméniens, Espagnols, Italiens, Hongrois, Polonais, Roumains, dont les familles avaient été souvent exterminées, combattants antifascistes dans leur pays ou/et dans les Brigades internationales de la Révolution espagnole. Beaucoup étaient communistes, bien sûr. Et nombreux étaient Juifs...

« Vous étiez fait pour la lutte armée ? Je ne crois pas, j'étais normal. »

(interview de Raymond, ex-FTP-MOI, par Mosco).


Du côté de la résistance gaulliste, Radio Londres n’y fait allusion que deux mois après : il faut se méfier des fausses nouvelles allemandes, les résistants sont avant tout des fonctionnaires, de simples citoyens, des anciens de Verdun. Le Conseil national de la résistance (CNR) va d’ailleurs s’inquiéter de « l’activité des mouvements étrangers sur le territoire français », qui « doit s’interdire toute attitude susceptible de compromettre l’unité ». Dans l’édition du Larousse en trois volumes de 1966, Missak Manouchian est absent. Et il faudra attendre le 40e anniversaire pour un hommage officiel, enfin, mais limité aux Arméniens. Le ministère des Anciens Combattants appose des croix sur les tombes de combattants juifs tout autant ignorés par les instances communautaires. Pour le PCF, les actes sont plus facilement revendiqués que les personnes, ces résistants cosmopolites font tache dans le tricolore. De même qu’on passera longtemps sous silence le « travail allemand », dont le responsable était Arthur London et qui n’a pas été le monopole de ceux auquel il a valu l’épithète d’« hitléro-trotskystes ». Officiellement, c’était « A chacun son boche ! » (titre de l’Huma en 1944). Tant pis si, sous l’uniforme, il y avait un travailleur, parfois un communiste... L’heure était au Front national (créé par le PCF comme organisation « large » des FTP, bientôt FTPF, avec un « F » comme Français, dont le journal s’appelait France d’abord !). « Il fallait pouvoir chanter La Marseillaise sans accent ! » (2). André Marty, au bureau politique du PCF, parle à la Libération de « chasser tous les “ski” des directions du parti » (3). A la tête de la MOI, il n’y avait plus que des Français. A Claude Lévy, qui écrit un livre sur son bataillon, Aragon, poète et éditeur, demande de « changer les noms. On ne peut tout de même pas laisser croire que la Résistance française a été faite par des étrangers ». Le 1er mars 1944, d’ailleurs, l’Huma avait consacré 15 lignes à l’exécution du groupe, sans citer le nom d’un seul de ses membres. Il faudra attendre 1951 pour qu’un deuxième article, intitulé « Pages de gloire des 23 », sorte et pour que « le poète du BP », Aragon, écrive Manouchian, en ajoutant certes sa touche patriotarde aux derniers mots écrits par Missak à sa compagne, censurés de 1946 à 1965 de leurs allusions aux trahisons. Est-ce un hasard si, cette année-là, un Comité Manouchian, indépendamment du PCF, s’était mis en place et obtiendra une rue dans le XXe ?

INTERNATIONALISTES DONC TROTSKISTES ?

Après la Libération, une partie des survivants sont repartis dans leur pays pour construire ce qu’ils pensaient être le socialisme. Beaucoup, comme les anciens des Brigades internationales ou des maquis, ont connu la répression stalinienne. Certains même ne quitteront un camp que pour un autre. Le spectre d’une résistance dynamique, sociale, anticapitaliste, échappant aux accords de Yalta (imposés par les impérialismes vainqueurs), mais aussi celui du titisme — qui mènera à l’élimination politique du PCF, entre autres, de Guingouin (responsable des maquis du Limousin), puis de Marty et de Tillon (chefs des FTP) — est un angle d'éclairage pour comprendre l’interrogatoire d’Arthur London. Ce dernier, premier responsable des FTP-MOI, interrogé à Prague en 1951 par ses procureurs staliniens, s’entend demander d’avouer que la MOI était une « section de la Quatrième Internationale trotskyste. » Il est vrai que le mécanicien arménien Arben Dav'tian, bolchevik en Géorgie en 1917, garde rouge puis officier commissaire politique dans l’Armée rouge pendant la guerre civile, exclu ensuite puis déporté comme membre de l’Opposition de gauche, qui s’évade en Iran en 1934 sous le nom de Manoukian, rejoint ensuite, sous le pseudonyme de Tarov, le groupe russe qui travaillait à Paris avec le fils de Trotsky, avant d’être recruté pour son groupe, en 1942, par Manouchian qui n’ignore pas son passé. « Il faut penser également à Manoukian qui meurt avec moi », écrit-il à sa belle-soeur, deux heures avant l’exécution. En août 1943, une note de la section des cadres aurait avisé la direction du PCF que Manouchian était de tendance trotskyste. Confusion de noms ? Quoi qu’il en soit, ils étaient « des nôtres ».

 

Jean-Pierre Debourdeau

1. Cité par le colonel-président du fameux "procès".
2. Comme le note ironiquement Maurice Rajsfus.
3. Lise London.

Rouge n° 2052 du 19 février 2004

(Hebdomadaire de la Ligue communiste révolutionnaire)

 

Nota :  Je n'hésite pas un seul instant à publier ce remarquable article de Jean-Pierre Debourdeau paru dans Rouge du 19 février 2004. Celui-ci a le mérite de nous rappeler comment le PCF a su si bien nourrir le mensonge et alimenter le révisionnisme sur l'histoire de la Résistance. Il fallait absolument que la Résistance fût française, Manouchian, Rajman, Bancic..., autant de noms qui résonnaient mal aux oreilles "patriotardes" des thuriféraires du stalinisme.

Souvenons-nous donc de ce "n'oubliez pas" ; non, n'oubliez pas comment le PCF a avili Guingoin pendant des années jusqu'à ce que Marie-George Buffet lui rende un pathétique hommage lors de ses funérailles, lui présentant des excuses post mortem au nom de son parti.

Oui monsieur Aragon, vous le disiez vous-même : "Onze ans déjà que cela passe vite onze ans", onze longues années après lesquelles le PCF organisera pompeusement à grand renfort de commémorations la récupération de l'Affiche rouge. Ceux que l'on ne devait pas nommer deviennent subitement des héros, ils ne dérangent plus, ou plus exactement ils servent aujourd'hui d'alibi politique face à la montée de la xénophobie. Après le reniement et la lâcheté, après les insultes et les crimes qui vous donnaient tant d'aplomb, qualifiant d'"hitléro-trotskistes" ceux qui combattaient pour l'Internationalisme et contre la guerre impérialiste, ceux qui sont morts sans haine pour le peuple allemand, vous continuez à visiter l'histoire avec cette insupportable fourberie, pour rester dans l'euphémisme, reniant aujourd'hui, niant même, ce dont vous êtiez si fiers hier.

 

Patrice Corbin 

 


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lundi, 30 avril 2007 | Lien permanent

Olga Bancic, un livre de Marie-Florence Ehret

UNE JEUNE MÈRE DANS LA RÉSISTANCE

OLGA BANCIC

 

Marie-Florence Ehret

 

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COMMUNISTE, ROUMAINE ET JUIVE,

UNE VIE ASSASSINÉE

 

Après la « panthéonisation » et la momification consacrant l’entrée sous l’édifice des « grands hommes » de quatre grandes figures de la Résistance, à l’heure des discours phagocytés par la parole étatique occultant ce que fut le combat mené par les communistes FTPF et FTP-MOI, au moment où la parole émancipatrice est réduite au seul sens de l’acception du « monde tel qu’il est », il est urgent que la mémoire s’insurge, que des voix lointaines s’élèvent. Polonais, Espagnols, Hongrois, Roumains, Allemands, anciens brigadistes de la guerre d’Espagne, combattants antifascistes, communistes internationalistes pourchassés dans leurs pays d’origine, juifs victimes des pogroms, Olga Bancic, Thomas Elek, Marcel Rajman, Missak Manouchian, Joseph Epstein…, et tant d’autres sont les noms qui résonnent sur le chemin chaotique de la fraternité entre les peuples. Manouchian et ses 22 camarades du 21 février 1944, Epstein et les 28 autres condamnés du 11 avril, Olga Bancic du 10 mai de la même année ; leur sacrifice est un symbole, il est la force et l’élan d’une jeunesse qui s’illustra jusqu’à l’abnégation dans le combat mené contre les nazis. Ces vies assassinées dans la tourmente d’un siècle de terreurs et de massacres, ces vies offertes par celles et ceux qui faisaient l’histoire, ceux-là peuvent aujourd’hui reposer sous le drapeau rouge de l’internationalisme. Ils nous incitent à défier les renoncements et à porter toujours plus haut l’idée communiste.

 

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« Si l’écho de leurs voix faiblit, nous périrons… », ce sont les mots de Paul Éluard, cette parole du poète qui invite à la mort absentée, au nom sans corps, à cette trace mémorielle, trace du sang de celles et ceux qui disparurent dans l’abîme de l’histoire. Marie–Florence Ehret interroge un silence, un visage sur une petite photographie où la beauté dépasse de loin la simple plasticité, un visage de bonheur et d’humanité. Olga Bancic tient dans ses bras la petite Dolorès, sa fille, un sourire de mère aux lèvres, de femme qui aime, une « amoureuse de la vie à en mourir », une femme communiste, roumaine et juive. Une femme qui a dit non à toutes les capitulations, qui a combattu toutes les humiliations, cette femme qui serre son bonheur pour en faire une arme, une arme pour la liberté, pour cette société communiste dont elle rêve et pour laquelle elle s’est battue, c’est Olga Bancic, une militante qui fut enfermée à la prison Vacàresti (Roumanie) en 1932, une combattante qui ne renonça jamais.

 

Marie-Florence Ehret donne une voix à Olga, à Pierrette, son nom dans la Résistance ; elle nous vient de loin cette jeune femme, née en 1912, à Kishinev en Moldavie, elle contribua à la construction du jeune parti communiste roumain et regardait la révolution soviétique comme une promesse de fraternité, d’égalité et de bonheur pour tous les exploités ; sa jeunesse allait incarner ce qu’il y a de plus beau, la lutte sans relâche pour l’émancipation. Elle reste gravée dans notre mémoire et son nom est inséparable de celui de ses camarades du « groupe Manouchian » tel qu’il fut baptisé après la guerre. Manouchian, Boczor, Rajman, Elek, Lev Dav’Tian…, vingt-deux noms inscrits pour le poteau, pour la fusillade au Mont Valérien le 21 février 1944. Olga, la seule femme jugée en même temps qu’eux lors d’une parodie de procès à l’hôtel Continental, rue de Rivoli, condamnée à mort, n’eût pas cet honneur du peloton que l’on réserve aux hommes, elle fut déportée en Allemagne subissant la torture et les privations, puis emmenée à Stuttgart le 6 mai 1944, elle fut décapitée le 10 mai de la même année à six heures, dans la cour de la prison, elle avait trente-deux ans.

 

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Il est toujours périlleux d’évoquer la vie, le combat de ces héros emblématiques, ne risque-t-on pas de sombrer dans le pathos ? La tragédie est telle que l’émotion peut très vite supplanter les faits, la dure réalité. Marie-Florence Ehret ne se laisse pas submerger par l’émotion, si le récit est sensible, d’une plume alerte et sans fioritures, il n’occulte en rien ce que fut, notamment, cette terrible année 1943 qui s’achève le 16 novembre pour ceux de la triste et célèbre Affiche rouge. Le récit est vivant et nous sommes pris dans le tourbillon des actions menées par Pierrette, Marcel, Missak, Henri,… le courage, l’audace parfois à la limite de l’inconscience comme me le soulignait un jour Henri Karayan, un camarade d’Olga, voilà ce qui faisait le quotidien de ces femmes et de ces hommes, toutes et tous animés par une même flamme, un même désir, combattre les nazis jusqu’à la mort, lutter pour la liberté et l’autodétermination des peuples.

 

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La pratique de la guérilla urbaine fit ses preuves en termes d’efficacité, les actions coordonnées par Missak Manouchian, dès avril 1943, s’élaboraient minutieusement, parfois après des semaines de « planque » pour noter les habituels déplacements ou autres mouvements. À titre d’exemple, écoutons Boris Holban (1) nous relater la préparation de l’action contre le général SS Ritter. C’est l’« équipe spéciale » (2) qui est chargée de cette action : « Je me rends sur place [Holban]. Pas de boutiques, pas de circulation ; l’endroit est idéal pour une attaque surprise. Je décide que l’équipe spéciale sera chargée de l’attaque et mets au point un plan d’opération avec Marcel Rajman. Le général est d’une grande ponctualité. Tous les matins à 8 h 30, la voiture à fanion se présente devant le 18, rue Pétrarque pour ne stationner que quelques minutes. Il faudra frapper au moment précis où l’homme monte dans sa voiture, pour ne pas lui laisser la moindre possibilité de réagir. De son domicile au coin de la première rue transversale, il n’y a qu’une vingtaine de mètres. Nous chronométrons le temps nécessaire pour parcourir cette distance et parvenir devant le domicile au moment même où Ritter s’engouffre dans sa voiture. Le scénario est prêt : Rajman doit guetter la sortie de l’homme, se trouver à sa hauteur au moment où il entre dans la voiture, lui tirer dessus et continuer son chemin sans même retourner la tête. Alfonso doit le suivre à quelques pas et achever le travail si nécessaire. Kneler se tiendra sur l’autre trottoir, assurera sa défense et surveillera les alentours. Les itinéraires de repli sont établis. Tout a été calculé à la seconde près. » On constate que les actions étaient préparées avec la plus grande méticulosité, cette exécution est décrite dans le livre de Marie-Florence Ehret, le juste récit n’entame en rien la réalité des faits, et Olga ? « Plus tard la parole des témoins s’embrouillera. Quels témoins d’ailleurs ? Pas de caméras de télévision, pas de téléphone portable pour filmer la scène, rien que des hommes dont le taux d’adrénaline a atteint des sommets. Une scène dont les acteurs principaux sont morts depuis longtemps et que les autres ont fuie au plus vite. Une scène dont Olga ne connaîtra jamais le déroulé exact, elle qui se tenait pourtant à quelques centaines de mètres à peine. » (3)

 

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Après Le Tombeau de Tommy (4), Missak (5) et Après nous (6), le livre de Marie-Florence Ehret Une jeune mère dans la Résistance, Olga Bancic, contribue à donner une voix à cette jeunesse sacrifiée. Par Olga Bancic et avec l’auteur de ce récit, c’est l’importance déterminante du rôle des femmes que nous devons retenir, c’est aussi la tragédie de cette jeunesse plongée dans l’horreur de la guerre, c’est leur courage, leur désir de vivre jusqu’au bout, sans jamais baisser les yeux devant l’injure, l’humiliation, la répression sanglante et la mitraille des nazis, sans jamais abandonner ce qui les constituaient charnellement, la lutte pour l’égalité et la fraternité entre les peuples.

 

 

Le livre de Marie-Florence Ehret  est aussi un document pédagogique et historique à mettre entre toutes les mains, la documentation iconographique nous présente au détour de simples petites photos cette femme merveilleuse que fut Olga Bancic, cette mère sacrifiée au temps de l’oppression et de l’horreur. L’entretien avec Irma Mico (7) est du plus haut intérêt et nous montre à quel point la présence mémorielle d’Olga et de ses camarades est un chapitre à jamais gravé dans l’histoire universelle de l’émancipation. C’est aussi un livre de lutte, un pied de nez au renoncement.

 

 

Le 4 juin 2015

 

Patrice Corbin

 

 

1. Boris Holban, Testament. Après 45 ans de silence, le chef militaire des FTP-MOI de Paris parle…, (pp.170-171)Calmann-Lévy, 1989.

 

2. L’équipe spéciale était constituée de Celestino Alfonso (dit Pierrot), de Spartaco Fontanot, de Léo Kneler, de Raymond Kojitski et de Marcel Rajman. Elle fut opérationnelle de juillet 1943 à octobre de la même année. Après la grande traque qui fit tomber, le 16 novembre 1943, Missak Manouchian, Joseph Epstein et de nombreux autres combattants dont Olga Bancic, les actions des FTP-MOI cessèrent.

 

3. Marie-Florence Ehret, Une jeune mère dans la Résistance, Olga Bancic, Oskar éditeur, 2015.

 

4. Alain Blottière, Le Tombeau de Tommy, Gallimard, 2009.

 

5. Didier Daeninckx, Missak, Perrin, 2009.

 

6. Patrick Fort, Après nous, Celestino Alfonso, guérillero dans la Résistance française, Éditions Le Solitaire, 2012.

 

7. Irma Miko (ou Mico) naît en 1914 à Czernowitz dans l’Empire Austro-Hongrois. Promise à une brillante carrière de pianiste concertiste, elle rallie cependant la cause communiste et milite dans les années trente à Bucarest, où elle se forme au travail clandestin. Alors que la Roumanie plonge dans le nationalisme et l’antisémitisme, Irma, Juive, part en France enrôler des brigadistes pour la guerre d’Espagne. Quand les Allemands envahissent la France, Irma est à Paris et prend part à la Résistance des étrangers (FTP-MOI). On lui confie alors une mission des plus périlleuses : enrôler des soldats de la Wehrmacht dans la Résistance…

 

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samedi, 06 juin 2015 | Lien permanent

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